Conférence-atelier "Ce que les hommes politiques disent en ne le disant pas - l'implicite et le sous-entendu dans le discours politique actuel"

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le  6 juin 2023
Quand les hommes politiques (au sens large du terme, incluant bien sûr les femmes) participent aux débats politiques ou sont interviewés par des journalistes, les électeurs ont parfois l’impression qu’ils ne disent pas la « vérité ». Les hommes politiques cachent-ils leur vraie opinion politique en s’exprimant d’une manière implicite pour éviter d’être tenus responsables des promesses politiques difficiles à respecter ou d’une politique moins populaire auprès des électeurs ? Est-il question de dilution des responsabilités ? De mensonge ? Ou est-il plutôt question d’une stratégie rhétorique faisant partie d’un jeu politique?
Dans les débats politiques où les hommes politiques se trouvent en confrontation face à face et où le but en est de persuader les électeurs de la politique proposée tout en montrant les faiblesses des idées de l’adversaire, l’homme politique doit faire tout son possible pour se servir d’une bonne argumentation mais il doit également être conscient de la présence des électeurs. Il se trouve ainsi face à deux types de public et, par conséquent, dans une situation à double tranchant : une « attaque » verbale à l’adversaire politique lui permet d’être apprécié par les électeurs déjà favorables à son programme politique mais, en même temps, une attaque trop directe et trop poussée risque d’avoir des effets défavorables et non souhaités auprès des électeurs potentiels. Autrement dit, dans les débats politiques, il s’agit pour l’homme politique 1) de se promouvoir lui-même afin de convaincre de la qualité de la politique proposée et 2) de disqualifier l’image de l’autre et de son programme politique. Une arme stratégique et argumentative souvent utilisée est l’ironie qui est un phénomène discursif fort contextualisé, dissocié entre le dit et le pensé, et selon lequel le locuteur crée un effet de non-prise en charge de l’énonciation. Par son emploi de l’ironie, le locuteur n’exprime pas explicitement ses intentions discursives et son point de vue, mais il les déguise pour des raisons stratégiques et argumentatives. Si l’on poursuit cette idée, l’ironie peut être décrite comme un double jeu d’énonciation. Cependant, la notion même d’implicite ne présente uniquement de sens que si l’on accepte que l’énonciation reste linguistiquement sous-déterminée et qu’une certaine partie de l’énonciation reste à être décodée par l’interlocuteur qui doit être sensible à la nature polyphonique de l’implicite et du sous-entendu.
L’atelier attaché à cette conférence aura pour objectif d’aborder le discours politique et les stratégies rhétoriques utilisées par les politiciens par une exploitation des potentiels théoriques de la linguistique énonciative et de la polyphonie linguistique. Plus spécifiquement, l’atelier proposera aux doctorants des outils interprétatifs et critiques portant sur le discours politique et les stratégies rhétoriques souvent utilisées par les hommes politiques. Dans un premier temps, les doctorants seront invités à étudier quelques extraits de débats politiques et, dans un second temps, à interpréter l’argumentation et à décoder les aspects implicites et polyphoniques de ces discours politiques.

Mme Merete Birkelund est Maître de conférences au Département de français de l’Institut de Communication et de Culture de l’Université d’Aarhus (Danemark). Ses recherches couvrent un large éventail de domaines comme la linguistique énonciative, la sémantique argumentative, la traductologie, la communication interculturelle, l’analyse du discours politique. Mme M. Birkelund dirige le PhD programme Language, Linguistics, Communication and Cognition de l’Université d’Aarhus. Elle a été invitée dans différentes universités en Europe et en Amérique du Sud.

Atelier (après-midi) :
Marie-Claire Ferriès (histoire romaine) « vérités contradictoires : un fragment des Philippiques de Cicéron » mettra les méthodes d’analyses de l’ironie et du double langage suggérées par M. Birkelund à l’épreuve d’un texte polémique, un court extrait de la XIIIe Philippique de Cicéron (le texte sera mis à disposition en traduction française auparavant avec une contextualisation). Le but de cette confrontation avec une autre tradition rhétorique décryptera les enjeux du double langage dans un débat « exotique ».

Marie-Claire Ferriès est maître de conférences en histoire romaine à l’Université Grenoble-Alpes. Sa spécialité porte sur l’histoire politique, institutionnelle et sociale de la « Révolution romaine » (49 av. J.-C. — 14 ap. J.-C.) et plus particulièrement des mutations de la classe politique entre République et Empire. Elle anime avec un comité de pilotage l’axe Langages & Politiques de la MSH.

Pour continuer à faire dialoguer les disciplines, Thomas Boccon-Gibod (philosophie politique) "la construction énonciative de l'autorité » offrira un point de vue plus conceptuel montrant comment l'analyse des actes de langage permet de comprendre le phénomène de l'autorité dans le discours politique.

Thomas Boccon-Gibod est maître de conférences en philosophie du droit (UGA, IPhiG). Se recherches portent sur les institutions publiques et le droit public. Il a récemment publié avec Alban Mathieu Monnaie, souveraineté et démocratie (Le Bord de l'eau, 2021).
Publié le  27 mars 2023
Mis à jour le  27 mars 2023